Il y a quasi exactement un an, Murdered: Soul Suspect faisait une première apparition médiatique pour le moins prometteuse en termes de mécaniques de jeu. Aussi original par son thème (on y joue le fantôme d'un homme fraîchement tué) que par son genre (le jeu d'aventure policier se faisant rare de nos jours), seule sa fenêtre de sortie tardive nous inquiétait quant à son devenir. Après avoir pu y jouer quelques heures, nos premières impressions confirment malheureusement nos craintes, le jeu de Airtight Games possède bien le spectre ludique du bon jeu, mais se voit entravé par les chaînes du linceul de la vieille école.
Premier écueil sur lequel se heurte Murdered: Soul Suspect, sa technique d'un autre âge sur PS4. S'il faut néanmoins reconnaître le soin apporté aux expressions faciales et aux regards lors des cinématiques, la réalisation globale fait grise mine. Ainsi, la ville pseudo ouverte qui fait office de hub servant à rallier les différents points de l'histoire principale rappelle plus celle du Shadow of Memories de Konami sur PS2 que les villes ouvertes de GTA ou L.A. Noire. Ce n'est pas un problème en soi, le jeu n'ayant jamais eu pour vocation de proposer beaucoup de liberté, mais on peine malgré tout à comprendre pourquoi les modèles de PNJ sont si limités. Après avoir croisé pour la dixième fois les mêmes visages et entendu les mêmes lignes de dialogues sempiternellement répétées (quel est l'intérêt de pouvoir investir les pensées des gens si c'est pour y entendre strictement les mêmes choses ?), le processus d'immersion commence à être difficile. On se demande d'ailleurs encore pourquoi certains hommes se plaisent à ressasser qu'en marchant plus vite, tout irait beaucoup mieux (??). Encore plus condamnable, la version PS4 testée qui prétendait fièrement afficher 1080p et 60 images par seconde ne parvient jamais à maintenir un framerate stable, et souffre même parfois d'effets de tearing que l'on croyait exorcisés depuis le passage à la next gen.
Le manque d'effets spéciaux se fait également ressentir, et même en gardant à l'esprit qu'il ne s'agit après tout que d'un simple portage d'un jeu de la génération précédente, on ne peut qu'être déçu de la partie technique, qui dessert la direction artistique plutôt réussie du titre. Autre bizarrerie, l'effet de blur uniquement appliqué au personnage principal lorsqu'il est au pas de course, alors qu'il devrait aussi servir à flouter légèrement le décor alentour. Condition fantomatique oblige, les problèmes de collision avec l'environnement sont limités en nombre, mais ils existent pourtant bel et bien avec les éléments non traversables (justifiés par le scénario), ou lorsque l'on prend possession d'un chat... Malgré tous ses travers techniques, Murdered: Soul Suspect parvient tout de même à délivrer une atmosphère réussie qui nous entraîne dans les rues de l'historique ville de Salem, riche en histoires de sorcières comme vous le savez. On se doit d'ailleurs de remercier l'excellent travail des doubleurs originaux (la version française n'étant par contre pas au niveau) qui, associés à un scénario suffisamment intriguant pour que l'on s'y accroche, font que l'on parvient parfois à occulter certaines des casseroles dont le jeu se voit affublé. Des défauts qui ne se limitent malheureusement pas à la simple plastique du titre.
Le nerf de la guerre dans Murdered: Soul Suspect, ce sont bien évidemment les phases d'enquête. Ces séquences sont somme toute assez soignées dans leur genre, mais une fois de plus, la déception est de mise quand on se rend compte à quel point les déductions sont évidentes. Comme si cela ne suffisait pas, le jeu ne pénalise jamais les erreurs, et il suffit donc de recommencer la déduction en sélectionnant les bons indices. Il y a bien un système de notation, mais hélas celui-ci ne sert absolument à rien d'autre qu'à flatter votre ego d'ectoplasme enquêteur. Toujours au rang des déceptions, les phases de dialogues ne laissent aucune latitude au joueur, qui peut juste choisir l'ordre dans lequel il posera les questions, sans que cela n'influe jamais sur le déroulement du jeu. Difficile à avaler après un L.A. Noire autrement plus ambitieux à ce niveau, d'autant que le prochain Sherlock Holmes s'annonce lui aussi plutôt réussi dans ce domaine. En sus de l'enquête principale, la ville de Salem "regorge" également de missions annexes qui consistent globalement à aider des âmes en peine à faire la lumière sur les circonstances de leur mort. Basées sur le même principe que les autres séquences de recherche/déduction, elles ont le méritent de rallonger un peu la durée de vie, mais n'apportent finalement pas grand chose à l'ensemble, si ce n'est peut-être un semblant d'animation dans les rues.
Et puis il y a ce qui aurait pu/dû être une grande idée, la possession ! L'avantage d'être un fantôme, c'est que l'on peut se glisser aisément dans le corps de tout un chacun pour connaitre leurs pensées les plus intimes et jouer au voyeur à la manière d'un Aiden Pierce passe-muraille. Hélas, comme nous l'expliquions plus haut, pour les personnages anonymes, rien d'intéressant à glaner tant leurs répliques se répètent à l'infini et au delà. Pendant les enquêtes, l'intérêt est évidemment tout autre, mais l'exécution est assez limitée au final, car très scriptée. De même, la possibilité d'influencer certains esprits pour leur faire faire quelque chose ou leur rappeler un détail important repose sur les mêmes mécaniques simples de déductions de fin d'enquête. Le jeu s'essaie aussi à un peu de variété en proposant d'utiliser le corps d'un hôte comme transport en commun pour franchir certaines zones (des sortes de puits démoniaques) ou, cerise sur le gâteau, de prendre le contrôle total d'un chat ! Le Gabriel Belmont de Lord of Shadows 2 abusait de nos ennemis les rats pour atteindre les lieux les plus inaccessibles, Ronan O'Connor a le bon goût de leur préférer les félins, plus agiles, du moins en théorie. Dans la pratique, ces passages démontrent encore à quel point le jeu n'a pas su évoluer avec son temps. Les animations sont franchement dépassées, le contrôle de l'animal horriblement scripté et les déplacements particulièrement mal gérées...
Tous les commentaires (9)
:p
A croire que diriger une âme (en peine), ça soul ! :D
Et encore, je trouve que Drift est bien sympa avec le nombre de défauts du jeu :
. Scénario accumulant poncifs et facilités (si vous avez lu ne serait-ce qu'un seul polar dans votre vie, vous savez DES LE DEBUT qui est le coupable; qui va mourir; puis très vite pourquoi et comment, avant même que les personnages en aient un soupçon d'idée).
Vous connaissez la fin dès le début en gros, à part peut-être un twist final qui peut surprendre dans la forme mais pas dans le fond.
. Des animations limitées et décalées (notamment des synchro labiales ratées, même en VO)
. Quatre quêtes annexes de cinq minutes se déroulant dans dix mètres carrés
. Plus de 250 collectables inutiles, n'apportant aucun élément scénaristique concret, et dont la collecte est impossible à faire une fois le dernier chapitre fini (et comme save auto sans choix, j'suis baisé pour trouver mes 10 derniers objets; je devrais recommencer tout le jeu... Désolé mais non :)
. Des démons bien flippants, mais au final, un seul type d'ennemi (dont le champs de vision est totalement pété, pouvant nous voir derrière trois murs mais immobiles quand on court dessus).
. Des personnages, hormis les deux principaux, pas travaillés (voire même des personnages importants évoqués que les personnages voient mais qu'ils n'ont pas pris la peine de modéliser...)
. Quand on joue les chats, on a un ersatz de Tokyo Jungle en pas jouable :D
Il y a même, chose que je n'avais pas vu depuis des siècles, un écran noir quand on va pas dans la bonne direction et le personnage se retrouve dans le droit chemin... Même pas une animation pour se retourner oO...
J'ai passé mon temps à penser à Shadow of Memories (et je suis étonné de l'avoir croisé dans le test, j'ai l'impression d'être le seul à me souvenir de ce jeu). Et pour SoM comme Murdred Souls, un seul mot revient : "Dommage"...
Car malgré tout, j'ai passé un bon petit moment, et j'ai eu de la sympathie pour l'aventure de Ronan...
C'est mal barré pour que ça devienne une franchise, mais j'espère qu'une suite (spirituelle ?) pourra améliorer tout les éléments du jeu, qui mérite quand même qu'on s'y intéresse à petit prix :)