On le sait bien, avec des titres comme Flower, Journey ou même Datura, le Playstation Store fourmille de titres singuliers où l'aspect narratif s'affranchit des codes habituels du jeu vidéo pour ne plus proposer qu'une expérience quasi sensorielle. Avec Papo & Yo, Sony Computer Entertainment poursuit dans cette voie, non sans oublier cette fois de ne pas privilégier la forme sur le fond. C'est donc via un puzzle-game mâtiné de phases de plateforme que vous allez pouvoir découvrir un monde où l'imaginaire côtoie la plus terrible des réalités.
Note : Même si notre test ne contient aucun spoiler, nous conseillons à tous ceux qui voudraient découvrir le jeu de A à Z d'éviter le premier paragraphe de notre article et les deux vidéos qui accompagnent l'article (à moins de se contenter de la première sans le son). L'impact n'en sera que plus grand. :)
"À ma mère, mes frères et mes sœurs, grâce à qui j'ai survécu au monstre qui habitait mon père."
Voilà une bien curieuse façon d'accueillir le joueur dans le monde étrange de Papo & Yo, un monde où pourtant la mort n'a pas sa place. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le jeu de Vander Caballero prend une tournure quasi autobiographique en revenant sur les moments les plus sombres de son enfance, à l'époque où l'enfant qu'il était subissait les maltraitances d'un père alcoolique en proie à ses pires démons. Une thématique pour le moins osée dans un jeu vidéo, mais qui ne sombre pourtant jamais dans un pathos indigeste ou dérangeant. Dans Papo & Yo, vous jouez le rôle du jeune Quico, un enfant sud américain perdu dans les méandres de son imagination et lancé dans une quête qui le mènera à l'acceptation de la terrible situation dans laquelle il se trouve. Accompagné de Lula, un petit robot bien pratique, mais aussi de Monstre, un compagnon aussi indispensable que dangereux, le jeune garçon devra tout d'abord tenter de rattraper une mystérieuse fillette, avant de pouvoir rencontrer le grand shaman, seul capable de l'aider à sauver Monstre de ses pulsions meurtrières. Une épopée que l'on pourrait finalement tout à fait rapprocher de celle de Journey, à ceci près qu'ici les mécaniques de gameplay et les interactions avec le monde se veulent un peu plus poussées.
Du jeu de Jenova Chen, Papo & Yo reprend sa très grande accessibilité. Quelques secondes à peine suffisent pour prendre en main l'attachant Quico : un bouton pour sauter, un autre pour interagir avec son environnement, et bien sûr, le stick droit pour orienter la caméra à sa convenance. Le principe du jeu est donc très simple, avec des clefs à actionner pour déplacer des objets (ce qui inclut des maisons !), des leviers à tirer pour faire apparaître des escaliers, ou pour déplacer un élément du décor. Chaque zone traversée demande donc de découvrir le moyen d'en sortir en utilisant au mieux les capacités du jeune héros. Son fidèle robot Lula fait par exemple office de mini-jetpack, un gadget bien utile pour franchir certains passages. Monstre, de son côté, demande à être amadoué avec des fruits (pour le guider vers un endroit précis, comme un interrupteur à déclencher), mais peut également servir de trampoline lorsqu'il s'assoupit paisiblement après une collation un peu trop gourmande. Malheureusement, Monstre est aussi très friand de grenouilles venimeuses, ce qui, comme chacun le sait, n'est pas sans risque pour la digestion. Aussi, au moindre batracien ingurgité, l'imposant compagnon devient très agressif et dangereux, ce qui oblige bien sûr Quico à le fuir. Parfois utile à sa progression, cet état second peut toutefois être guéri en lui faisant ingurgiter des fruits avariés – quelle drôle d'idée !
La progression dans Papo & Yo se veut fluide et agréable, bannissant toute notion de frustration en interdisant la mort. Ainsi, vous ne risquez jamais rien à tomber de haut, ou même à vous faire attraper par votre cher Monstre en colère. Et quand bien même vous chuteriez dans une zone sans fond, Quico réapparaîtra toujours instantanément sur une plateforme voisine. La maniabilité ne souffre d'aucun défaut particulier, mais il ne faudra pas s'étonner du manque de poids et d'inertie du jeune garçon. Ceci étant dit, à quoi bon rechercher une once de réalisme dans un jeu où déplacer des bâtiments pour former une passerelle devient la norme ? Dans la même logique de gameplay accessible et apaisant, les différents puzzles ne vous résisteront jamais très longtemps. On peut le regretter dans une certaine mesure, le jeu regorgeant pourtant de bonnes idées, mais cela permet aussi de fluidifier "l'action" à son maximum, tout en recentrant l'attention du joueur sur l'atmosphère du titre. Ainsi, il lui est possible de s'en imprégner sans jamais être perturbé par des pics de difficulté insurmontables. Il est cependant possible de corser un peu le challenge en n'utilisant pas les petites boîtes en carton qui font office de tutorial pour chaque zone. Au delà de leur forme plutôt originale (Quico entre dans le carton à la manière de Solid Snake et le fait tourner pour découvrir les dessins explicatifs qui ornent ses parois), ils évitent aussi aux moins patients de rester bloqués.
Cela peut sembler quelque peu facile de toujours rapprocher le moindre jeu un peu différent de l'illustre ICO, mais c'est pourtant bien à lui que l'on pense lorsque l'on découvre toute la solitude du personnage principal. Attaché à son monstrueux compagnon au point de tout tenter pour le sauver de sa dépendance, leur relation n'a pourtant rien à voir avec la tendre complicité qui unissait Ico et Yorda. Même dans ses phases de lucidité, Monstre ne semble en effet pas attacher une grande importance à Quico mais on sent malgré tout qu'un lien fort les unit l'un à l'autre. Le petit robot Lula revêt aussi une importance capitale aux yeux du jeune garçon, et pas seulement parce que lui seul peut atteindre certains interrupteurs. Entendre Quico crier son nom à chaque fois qu'il lui demande d'actionner tel ou tel mécanisme fait immanquablement écho aux appels lancé à Yorda par Ico. On retrouve également dans les rues désertes des favelas comme l'empreinte de la forteresse inhabitée du jeu de Fumito Ueda, et ce même si l'univers de Papo & Yo dispose d'une identité propre qu'on ne peut confondre avec une autre. Une atmosphère forte où la bande son, tantôt effacée, tantôt rythmée de sonorités sud-américaines, parvient à transporter le joueur dans un monde où les maisons se déplacent sur de très fines jambes, dans un imaginaire qui mettra ses repères sens dessus dessous, tout particulièrement dans la dernière partie du jeu.
Tous les commentaires (16)
Les reviews sont assez partagées, il y en a beaucoup qui ont du mal à passer outre les soucis techniques (tearing, ralentissements occasionnels), ou le manque d'audace dans les puzzles. Je n'ai par contre pas éprouvé de soucis au niveau des contrôles (même si Quico donne l'impression d'être un vieux sprite 2D sans aucun poids). Apparemment ils ont promis un patch pour le lancement pour les petits couacs techniques et autres bugs (qui ne m'ont pas plus choqué que cela au passage).
Je le prendrai surement lors d'une éventuelle baisse de prix.