Vainqueur de l’édition 2012 de la compétition Ludum Dare, Evoland était avant tout une déclaration d’amour au JRPG à travers les âges. Plus pédagogique que véritablement ludique, le jeu de Nicolas Cannasse suivait en effet l’évolution du genre, du premier Zelda à la série Final Fantasy. Un véritable petit illustré de l'histoire du jeu vidéo que l’on savourait surtout si l’on avait vécu soi-même cette évolution. Un an plus tard, une version payante et plus complète (car intégrant l’ère 3D ouverte par le PC et la Playstation) voit le jour sur PC et Mac, avant d’être déclinée sur les supports mobiles début 2015. L’évolution logique de ce qui n’était au départ qu’un hommage développé en 48 heures était bien évidemment de lui proposer une suite digne de ce nom. C’est exactement ce que le studio bordelais de Shiro Games s’est attelé à faire avec Evoland 2, dont la sortie est prévue dès demain sur Steam.
La grande révolution d’Evoland 2 est déjà de proposer une aventure qui dépasse le statut de simple hommage pour devenir un vrai jeu d’aventure à part entière. Là où, dans le premier volet, l’évolution technique et visuelle avait pour but de faire voyager le joueur à travers l’histoire du jeu de rôle, elle est cette fois totalement justifiée par le scénario qui met en scène des héros dont vous pourrez modifier le patronyme à l'envi. Narrée via les codes de l’ère 8 bits et 16 bits, avec des dialogues textuels qui apparaissent au premier plan près d’une représentation pixelisée du personnage, l’histoire fera donc voyager les protagonistes d’une époque à l’autre. Un moyen très malin de nous permettre à la fois d’en apprendre plus sur le passé de leur monde, mais aussi de nous avertir du terrible destin qui attend ses habitants. Les changements temporels sont l’occasion de réactions toujours amusantes de la jeune Fina, qui sent bien que quelque chose a changé en eux - ce que le joueur constate bien sûr immédiatement grâce au changement graphique qui s’opère.
Amnésique (comment en aurait-il pu être autrement), Kurp sera épaulé par plusieurs compagnons de route dotés d’un caractère propre, mais également d’une attaque spéciale qui possédera plusieurs usages (nous y reviendrons). Voyages temporels oblige, les agissements de la petite troupe dans le passé auront une incidence sur le futur, mais tout cela reste bien évidemment scripté, puisque intimement lié à l’intrigue. À noter tout de même que dans la seconde partie de l'aventure, vous serez en mesure de changer d'époque librement. Avec une écriture volontairement naïve et un ton un brin enfantin qui résonnent comme un écho avec le style bien particulier de bon nombre de JRPG des années 80/90, Evoland 2 se laisse suivre avec un vrai plaisir, d’autant que les thèmes abordés sont tout à fait sérieux et respectueux du folklore du genre. Les personnages sont toutefois capables de répliques assez surprenantes, comme lorsqu’un redoutable adversaire annonce aux héros qu’il sera leur pire cauchemar et que la jeune Fina lui rétorque que c’est impossible, son pire cauchemar étant de se réveiller en portant une robe rose avec un bataillon de champignons en guise de serviteurs. Un humour qui se retrouve à différents niveaux de l'écriture du titre et qui ne manquera pas de vous faire sourire.
Evoland nous avait déjà habitués à jongler entre différents types de gameplay, puisque le jeu passait allègrement des mécaniques de combat en temps réel chères à Zelda à l’Active Time Battle de Final Fantasy VII. On ne sera donc pas étonné de constater que sa suite emprunte la même voie, à la différence près que le combat au tour par tour ne fait pas son entrée avant la dixième heure de jeu environ. Pour se démarquer de son aîné et pousser encore plus loin l’hommage à l’histoire de notre medium, la variété des gameplays proposée explose, et dépasse même largement la simple sphère du RPG. On passera donc par exemple d’une vue du dessus à la Zelda à une vue de côté plus propice aux phases de plateforme, séquences pendant lesquelles votre épée profitera d’un rayon d’action plus large grâce à des lames projectiles bien pratiques. Mais plutôt que de vous énumérer toutes les surprises que renferme Evoland 2 et vous priver du plaisir de la découverte, nous n’en dirons pas plus ; pas même ce que Shiro Games a déjà révélé par le biais de screenshots officiels. Nous nous contenterons juste de préciser que, sans forcément égaler les modèles dont ils s’inspirent, ces différents types de gameplay fonctionnent bien, tant mécaniquement que dans la façon dont ils sont intégrés à la trame principale.
L’aspect RPG reste évidemment la clef de voûte de l’expérience proposée par Evoland 2, même si des activités spécifiques évitent aussi à la monotonie de s’installer ; on pense notamment à cette séquence où il faut s’improviser serveuse dans un restaurant et satisfaire les clients, ou encore celle où l’on doit résoudre quelques énigmes très simples dans un esprit très Layton. Dommage cependant que la partie dédiée à l’évolution des personnages et leur équipement soit si limitée. Les quelques boutiques sont très chichement achalandées (une seule arme/armure/ceinture par étape/époque de jeu) et il est impossible d’y acquérir la moindre potion. Ce n’est généralement pas un problème, le niveau de difficulté étant parfaitement abordable, mais face à certains boss, cela peut rendre le jeu frustrant. Les potions existent pourtant bel et bien, mais pour en concocter, il faudra se rendre chez une sorcière qui ne sera pas toujours accessible quand on en a besoin. Pour compliquer encore plus votre tâche, vous ne pourrez transporter plus d’un exemplaire de chaque potion.
Un choix de game design discutable mais qui a le mérite de rendre certains affrontements assez épiques, comme au bon vieux temps en somme. Par exemple, le retour au présent des deux personnages principaux vous amènera à rencontrer trois adversaires assez revêches (surtout le dernier). Vous devrez donc apprendre à appréhender leurs routines d’attaque, sous peine de devoir gaspiller vos deux précieuses potions de vie (100% et 50%). Puisque le farming n’est pas vraiment possible en dehors des donjons, on vous conseille de tout faire pour gagner des points d’expérience dans les zones peuplées de créatures hostiles. La montée en expérience est gérée automatiquement, via trois statistiques (vie, défense et attaque), aussi ne vous attendez pas à pouvoir modeler un personnage à votre guise. Il est cependant possible d’améliorer son équipement grâce à un minerai particulier, mais encore une fois, pour ce faire, il vous faudra profiter des talents du bon PNJ, lui non plus pas forcément disponible quand on le désire.
L'expertise de la sorcière vous sera également très utile pour faire monter en force l’attaque spéciale de vos compagnons, qui possède donc plusieurs niveaux de puissance. Pour la déclencher, il vous suffira de maintenir le bouton d’action enfoncé le temps de remplir la jauge correspondante ; une attaque de niveau 2 demandant de la remplir deux fois de suite. Il va sans dire que nous parlons ici des combats en temps réel. Mais les dons de vos compagnons de route pourront aussi vous servir lors des phases d'exploration, soit pour activer certains mécanismes, dégager le passage, ou bien encore traverser une étendue d'eau. Pour ce qui est du tour par tour, vos coéquipiers auront bien évidemment droit à des magies et des capacités distinctes, mais comme dans le premier Evoland, vous n’aurez pas trop à vous soucier de vos points de magie pour les lancer - puisque ces derniers se régénèrent petit à petit. Des éléments extérieurs pourront néanmoins venir vous mettre des bâtons dans les roues pendant les affrontements en ATB, à l'instar de ce passage dans un étrange laboratoire à l'installation électrique défaillante. Attention alors à ne pas lancer une attaque au moment où la lumière vacille, car dans le noir, les chances de manquer votre cible lors d'une attaque physique sont assurées. Tout un tas de petites trouvailles qui font que l'on n'a finalement jamais l'impression de faire la même chose dans cette aventure où le continuum espace-temps sera quelque peu mis à mal.
Terminons enfin sur la partie visuelle et sonore, sans être pour une fois obligés de vous toucher un mot sur la technique du jeu. Celle-ci n'étant assez logiquement pas au premier plan des préoccupations du joueur dans un tel titre, vous n'aurez pas à subir de longue diatribe sur la résolution ou le nombre d'images par seconde. De notre point de vue, Evoland 2 souffre malgré tout de deux défauts dommageables, même s’ils ne parviennent jamais à affecter le plaisir de jeu. Tout d’abord, après une première partie d’aventure placée sous le signe des 8 et 16 bits, difficile de ne pas voir poindre une légère déception la première fois que l’on découvre les séquences en 3D se déroulant dans le futur. Autant le charme suranné du pixel art opère à 100% pour tous les passages dans le passé et le présent, autant l’aspect très simpliste de la 3D rend le jeu très générique visuellement dans le futur. L’impression de découvrir un projet au budget un peu restreint prédomine, là où la richesse et l'ambition du reste du jeu font qu’on en oublie justement ses origines modestes. Le fait que la direction artistique soit également moins percutante en 3D renforce cette impression, de même que le feeling global du jeu, la faute à des animations un peu trop basiques à notre goût. Cela peut sembler un peu dur, mais après des passages similaires plutôt engageants dans le premier volet, nous en attendions un peu plus dans cette suite. Autre bémol, l’absence de musiques chiptunes dans le passé ou le présent (ce que certains accueilleront peut-être comme une bénédiction ceci dit), là où Evoland alternait entre une bande originale 8/16bits et des musiques plus typées 32bits. La bande son n’en demeure pas moins de qualité heureusement, avec des airs fidèles à ceux dont ils s’inspirent, et une partition assez variée au final.
Tous les commentaires (1)