Il y a 5 ans déjà, Eidos Montréal réussissait l’exploit de relancer la licence Deus Ex sans son créateur, alors même que ce dernier n’était pas parvenu à satisfaire les fans avec Deus Ex: Invisible War (PC et Xbox) en 2003. En s’appuyant sur les principes fondamentaux du premier épisode, le studio canadien avait réussi à réconcilier les joueurs avec la série créée par Warren Spector. Héros charismatique de Human Revolution, Adam Jensen reprend du service dans Deus Ex: Mankind Divided, et à quelques jours à peine de son retour, l’heure est au verdict 3.0.
Rien ne va plus entre ceux que l'on appelle les Augmentés et le reste de la population. Evénement majeur du volet précédent, l’incident qui avait provoqué une vague de folie meurtrière chez les malheureux et malheureuses équipés de la puce des Illuminatis a totalement ostracisé les adeptes du transhumanisme, les plaçant au ban d'une société gangrenée par la peur de l'autre et la corruption. Après un premier contact avec Jensen dans un hôtel de Dubaï à l'abandon, théâtre de la première mission du jeu, c’est sur le vieux continent que débute réellement l’aventure, à Prague. Frappée par une ségrégation aussi injuste que rétrograde, la ville aux 100 clochers n'a évidemment plus grand chose à voir avec la cité romantique et paisible du passé. Pis, la menace terroriste qui plane au dessus de chacun tend à accentuer le sentiment de suspicion autour des Augmentés. Une situation qui fait d’ailleurs bien tristement écho au contexte socio politique que nous connaissons actuellement. Membre d’Interpol, Adam Jensen est chargé d'enquêter sur l’attentat qui a touché la gare de Růžička à son retour de Dubaï. Avant cela néanmoins, il lui faudra faire vérifier ses augmentations, celles-ci semblant donner quelques signes de faiblesse sans qu'il ne sache réellement pourquoi. Une façon comme une autre de justifier une future nouvelle montée en expérience et l’arrivée de capacités inédites. C'est assurément un ressort narratif que l’on a appris à accepter dans le médium depuis bien longtemps, mais qui reste un artifice grossier pour déposséder le héros de quelques uns de ses pouvoirs après quelques minutes/heures de jeu. Compte tenu du contexte transhumaniste cependant, l'explication donnée a au moins le mérite d'être plausible.
S’il sera parfaitement impossible de débloquer toutes les augmentations disponibles en une seule partie, en glanant un maximum de points d’expérience vous aurez déjà accès à un joli panel de capacités que vous choisirez en fonction de votre style de jeu. Pour chaque piratage réussi, chaque ennemi éliminé ou chaque mission terminée, vous obtiendrez de l'expérience qui vous permettra d’engranger les points Praxis nécessaires pour obtenir les augmentations de votre choix. Comme dans Human Revolution, vous pourrez évidemment façonner votre personnage à votre convenance, en favorisant les modifications de discrétion ou d'attaque. L'exploration est également récompensée, incitant donc à fouiller votre environnent à la recherche de chemins alternatifs, pour y trouver des objets bien sûr, mais aussi pour glaner quelques points d'XP. Afin de jouir du plus grand nombre d'augmentations possible et multiplier les moyens mis à votre disposition pour arriver à vos fins, il est donc conseillé de ne pas négliger les quelques missions secondaires proposées durant l’aventure. Si ces dernières ne sont pas aussi nombreuses que dans The Witcher 3, elles n'en demeurent pas moins intéressantes de par leurs enjeux et leur propos. Il ne faudra d'ailleurs pas s'attendre à un happy end systématique, les choix imposés amenant des décisions potentiellement difficiles. Rien de fondamentalement nouveau pour la série bien sûr, mais ces quêtes annexes sont suffisamment efficaces pour mériter votre attention et nous vous conseillons de les découvrir toutes. À cela, il faut évidemment ajouter la trame principale, intrigante à souhait malgré un final décevant qui laisse une bonne partie des questions importantes sans réponse.
Critiqués vivement dans Human Revolution, les boss ont finalement décidé de faire profil bas puisqu'il n'en reste qu'un. En effet, en dehors de l'affrontement final, nous n'en avons pas trouvé la moindre trace. On perd par conséquent la légère couleur Metal Gear Solid que l'on pouvait ressentir dans HR et l'on embrasse de fait une approche plus réaliste de la narration, où ceux qui tirent réellement les ficelles restent dans l'ombre pour ne se révéler que dans les toutes dernières minutes. Comme nous le mentionnions plus haut, l'histoire de Mankind Divided est engageante et très bien ficelée, ce qui maintient la curiosité et la motivation du joueur intactes jusqu'au bout. Malheureusement, la conclusion - qui n'en est pas vraiment une - n'apporte pas toutes les réponses attendues, laissant trop de choses en suspens pour être complètement satisfaisante. On ressort donc de l'aventure légèrement frustré, non à cause d'une durée de vie trop chiche ou d'un plaisir de jeu en demi teinte, mais bien parce que l'on aimerait ne pas être forcé d'attendre le troisième épisode pour comprendre les dernières révélations du scénario (au milieu du générique de fin). Après une quarantaine d'heures de jeu captivantes, il ne faudrait néanmoins pas oublier l'excellent level design et les environnements assez variés que l'on aura arpenté dans tous les sens. Les nombreuses informations optionnelles (mails, documents, etc.) raviront également ceux qui voudront en apprendre plus sur l'univers du jeu, mais on espère sincèrement que ce n'est pas le Season Pass qui offrira un épilogue plus consistant à l'aventure.
Revenons à présent sur ce qui fait la réussite ou l'échec d'un jeu vidéo dans la grande majorité des cas, son gameplay. Gros point fort du volet précédent, l'infiltration fonctionne toujours aussi bien, voire mieux, même si l'intelligence artificielle n'est jamais à l'abri de quelques couacs fâcheux. L'utilisation des conduits d'aération est toujours à privilégier pour avancer caché, mais il est aussi possible d'utiliser les hauteurs ou de contourner les adversaires en se dissimulant derrière les objets du décor : en vue troisième personne, si vous utilisez la fonction cover (encore perfectible, malgré des passages d'une cachette à l'autre automatisés), ou en vue à la première personne, à l'ancienne. L'équipement non létal compte deux armes principales, le fusil tranquillisant et le stun gun, mais le hacking peut également vous faciliter la tâche, puisque caméras, tourelles et robots peuvent être désactivés (ou retournés contre vos ennemis) - à condition de dénicher le poste de contrôle. Le sympathique mini-jeu de piratage est une simple extension de l'original, avec quelques possibilités supplémentaires, et comme dans HR, vous ne pourrez tenter une intrusion qu'à condition d'avoir débloqué le niveau correspondant de votre augmentation de piratage. Autre élément important de l'approche furtive parfois, certaines phases de dialogue mettent à profit les capacités d'analyse d'Adam, qui est capable de repérer les phéromones de type alpha/bêta/gamma de ses interlocuteurs pour adapter ses réponses et mieux les convaincre. L'issue de ces conversations pouvant drastiquement modifier vos conditions de jeu (une alerte peut être donnée par exemple), il faudra rester attentif au nombre de fois où chaque phéromone sera dégagée. Rien de très difficile cependant rassurez-vous.
Vos augmentations seront également très utiles pour progresser discrètement, qu'elles soient nouvelles (on se gardera bien de vous en dévoiler trop) ou connues, mais votre jauge d'énergie limitera leur utilisation - à moins de posséder suffisamment de cellules de recharge pour vous permettre d'en abuser. Ces dernières - que l'on peut acheter en boutique à Prague ou trouver en fouillant le décor - peuvent rapidement manquer dans la dernière partie de l'aventure, la faute aux nombreux soldats ennemis augmentés qui patrouillent dans certaines zones et qui pourront inciter certains joueurs à abuser un peu de l'augmentation d'invisibilité. Précisons au passage qu'il est tout à fait possible de traverser l'aventure sans tuer qui que ce soit (boss final compris). Comme à chaque fois qu'un jeu propose des capacités très efficaces pour progresser, il est bon de préciser que certaines d'entre elles rendent les choses un peu trop faciles, comme le hacking à distance, la vision à travers les murs ou le marquage des ennemis. Libre à chacun d'investir ou non dans ces augmentations évidemment, ou de choisir le mode de difficulté le plus élevé (un quatrième se débloque une fois le jeu terminé) pour rendre le challenge plus intéressant. Encore une fois, l'un des grands atouts de Mankind Divided est la grande latitude qui nous est laissée pour approcher les situations. Les développeurs ont parfois même poussé le vice jusqu'à l'extrême, en proposant 3 ou 4 façons différentes d'atteindre une même pièce. Une liberté d'action décuplée par la possibilité d'opter pour une approche frontale bien plus intuitive qu'auparavant.
Eidos Montréal nous l'avait promis, les mécaniques de combat ont été bien affinées, rendant l'approche directe et brutale autrement plus plaisante que dans HR. Les sensations de tir se rapprochent donc beaucoup plus de celles des FPS "classiques" auxquels nous sommes habitués. En proposant de multiples configurations de manette - dont certaines sont plus ou moins calquées sur celles des séries les plus en vogue -, les développeurs ont clairement voulu apporter un confort supplémentaire au joueur. La visée est agréable, les affrontements nerveux, mais attention à votre barre de vie qui diminue très rapidement si vous n'avez pas pensé à améliorer vos augmentations de défense. La mise à couvert est cependant salvatrice en pareil cas, car en plus de proposer une alternative de combat à ceux qui préfèrent le TPS au FPS, elle permet de reprendre son souffle tout en donnant une bien meilleure appréciation de ce qui se passe autour de vous sur le champ de bataille. L'arsenal se compose de fusils à pompe, fusils d'assaut, mitrailleuses et autres lance-grenades, chaque arme pouvant être modifiée avec des kits que l'on peut ramasser dans les zones de mission ou acheter auprès des marchands. On peut donc par exemple leur ajouter un silencieux, une lunette de visée, un pointeur laser, etc. Intéressant sur le papier, cet aspect du jeu s'avère finalement assez anecdotique dans les faits. À noter que le jeu dispose également d'une vue rapprochée sur l'arme permettant de modifier les éléments disponibles (voire même le type de munitions), à la manière de Crysis.
Nettement plus beau que Human Revolution, Mankind Divided est également bien plus gourmand. Il faut néanmoins préciser que la version PC qui nous a été fournie pour cette review n'était pas encore dans sa version finale, et qu'avant l'arrivée cette semaine des derniers drivers Nvidia, les performances n'étaient pas toujours optimales sur notre configuration de test (i7 6700K @ 4.5 GHz, 16 Go RAM - DDR4 -, Windows 10, Nvidia GTX 1080 Founder's Edition MSI). Le problème essentiel tenait à une version DirectX 12 très instable, souffrant de temps de chargement interminables, de plantages divers et de baisses de framerate, quel que soit le niveau de détails sélectionné. En DirectX 11, les problèmes étaient plus ou moins les mêmes en "exclusive fullscreen", mais le jeu devenait fluide en quasi toutes circonstances en le désactivant. Quelques options liées aux ombres ou les effets de lumière affectaient encore un peu le nombre d'images par seconde, mais le stuttering disparaissait presque totalement et l'expérience de jeu devenait enfin totalement plaisante. Bonne nouvelle, une fois les derniers pilotes installés, le mode exclusive fullscreen fonctionne enfin parfaitement en DX11, même en poussant les options graphiques à leur maximum - à condition d'éviter le MSAA, très gourmand à cause de la géométrie complexe des environnements. Notre version du jeu (estampillée de l'appellation "preview") n'ayant pas reçu de mise à jour réglant le problème en DX12, il reste à espérer que ce sera le cas pour la sortie du jeu. Sur PS4, notre expérience du début de l'aventure s'est avérée très fluide, avec un framerate locké à 30 fps, à Dubaï comme dans les rues de Prague.
Visuellement, Mankind Divided est une indéniable réussite malgré un ensemble inégal, et si les joueurs PC profiteront d'un affichage plus précis que sur consoles, les possesseurs de PS4 n'auront pas à rougir de la comparaison (Ndlr : nous n'avons pas encore reçu d'exemplaire Xbox One). L'image est nette, les environnements riches, les effets de lumière maîtrisés, et la direction artistique fait office de cerise sur le gâteau. On pourrait certes pester sur les modélisations et animations faciales un peu sommaires des personnages (exception faite de certains d'entre eux), sur le rendu de Prague pas toujours aussi convainquant qu'on l'aurait voulu, mais ce serait faire fi de tout ce qui fonctionne à merveille, comme le quartier rouge ou les ghettos de Golem pour ne citer que 2 exemples. Bien sûr, les globe-trotters virtuels regretteront l'absence d'autres villes HUB en dehors de la capitale tchèque, mais ils se consoleront avec les quelques courts voyages dans plusieurs niveaux situés à l'étranger (et tant pis si le dernier se déroule dans un simple immeuble). On n'en doutait pas, la bande originale habille de bien belle manière l'univers transhumaniste de ce nouvel opus de la série. Il manque à notre sens de nouveaux thèmes un peu plus mémorables, mais ce qui est certain, c'est que les musiques sauront vous mettre dans l'ambiance, une ambiance qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle de Mass Effect parfois. Plus décevant, la version originale (sous-titrée - du moins pour les dialogues) nous a paru très inégale, la faute à certaines performances d'acteur trop caricaturales. La VF ne fait malheureusement pas mieux et nous aurions même tendance à vous conseiller d'opter pour les voix anglaises au final.
Faute de temps pour cause de Gamescom cette semaine (et accessoirement du fait de la grande générosité de la durée de vie du jeu), nous ne pourrons pas nous étendre énormément sur le mode Breach proposé en complément du jeu principal. Scénarisé, ce sympathique bonus est également tourné vers le multijoueur grâce à une gestion des scores et la présence de leaderboards grâce à qui vous pourrez vous mesurer à vos amis et au reste du monde. Dans la peau d'un hacker, vous allez essayer de mettre à jour les manigances de corporations sans foi ni loi, tel l'inespéré sauveteur d'une population ignorante des dangereux agissements de ceux qui sont au pouvoir. Les mécaniques de jeu reprennent assez logiquement celles du mode solo, avec un visuel plus épuré qui illustre l'aspect virtuel de votre entreprise. Que vous ayez envie d'en apprendre plus sur l'univers de Deus Ex ou que vous couriez après la gloire apportées par les plus hautes places du classement en ligne, voilà qui devrait largement prolonger le plaisir de jeu pendant quelques heures supplémentaires. L'ami guts_o ayant déjà eu l'occasion de vous détailler le déroulement d'une mission dans le mode Breach, nous vous proposons maintenant de retrouver une version à peine remaniée des explications qu'il vous avait fourni lors de notre preview du mois de juin.
Pour commencer, Breach possède des mécaniques mêlant phases de tir et puzzles et s'accompagne d'un système d’ugrade atypique. La progression se fait via une sorte de plateau sur lequel des icônes représentent les diverses séquences et bonus qui se débloqueront au fil de vos exploits. Les missions reposent principalement sur l’extraction de données et la collecte optionnelle de fragments, ce qui devra être réalisé dans un temps imparti incluant votre retour au point d’extraction. Bien entendu, ces séquences deviennent de plus en plus complexes au fur et à mesure, ajoutant ennemis et autres pièges à éviter. À l’instar d’un jeu de course arcade, chaque niveau disposera de divers temps de référence qu’il faudra tenter de battre, ce qui s'intègre dans la dimension multijoueur en ligne de ce mode de jeu. En plus de l'XP, vous serez récompensé avec des booster packs contenant des items aléatoires, chacun étant étiqueté d'une lettre (C, B, A ou S). Évidemment, tout cela n’est pas anodin, car mieux vous serez équipé, plus vous augmenterez vos chances de réussite et améliorerez vos temps. Vous l’aurez compris, Breach est une bonne surprise qui s’annonce plus que sympathique et qui – bonne nouvelle - n’est ni un jeu à part ni un add-on, mais bien inclus d’office dans Mankind Divided.
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Maintenant la grande question : je ne vais pas etre totalement paumé si je n'ai pas joué aux précédents ?
Le seul jeu qui compte dans l'histoire c'est Human Revolution car c'était un reboot. Les deux premiers épisodes ne comptent pas. Il y a bien un mode facile.
Ok merci Drift je vais peut etre me laisser tenter alors ;)